Le Banquet est l’un des textes les plus connus de Platon. Pourtant il diffère de sa méthode traditionnelle : contrairement à nombre de ses ouvrages, il ne prend pas la forme d’un dialogue appliquant la méthode dialectique chère à Socrate et que Platon mit en forme si brillamment, mais c’est une suite de discours prononcés par les participants à un banquet qui s’était tenu une quinzaine d’années avant sa narration, chez le poète Agathon.
Apollodore rencontre un ami qui lui demande de raconter ce qui s’était dit sur l’amour au cours du banquet. Apollodore est d’autant mieux préparé à donner satisfaction à son ami que, quelques jours plus tôt, une autre connaissance lui avait fait la même demande. Lui-même, absent lors du banquet, avait été informé par Aristodème, un ami de Socrate.
Socrate était arrivé en retard au banquet au début duquel Phèdre avait souhaité que chaque convive fît un éloge d’Eros, le démon de l’amour. Phèdre introduisit la séance devant Socrate par un vibrant hommage d’Eros, le plus ancien des dieux selon lui, qui ne fait que du bien aux hommes, les rend vertueux et courageux. En effet, il n’y a pas de plus grand bien pour un homme qu’un amant vertueux. Les amants seuls savent mourir l’un pour l’autre pour peu qu’ils ne manquent pas de courage, à l’inverse d’Orphée qui ne put se résigner à mourir pour son amour.
Pausanias critique le discours de Phèdre qui oublie qu’il y a deux Amours, comme il y a deux Aphrodites. L’Aphrodite populaire s’attache au corps plutôt qu’à l’âme, inspirant des actions viles, alors que l’Aphrodite céleste s’attache au sexe masculin, plus fort et plus intelligent, pour former les liaisons les plus durables. On le voit, pour Platon, le « mariage pour tous », loin d’être condamné, est d’abord l’affaire des hommes. Néanmoins, pour Pausanias, l’amour n’est ni beau, ni laid en soi, il dépend de l’honnêteté et de la vertu des amants.
Eryximaque, le médecin, un peu pédant, critique les interventions de ses deux prédécesseurs. Selon lui la nature corporelle est soumise aux deux Eros, aussi bien chez les animaux et même dans les plantes. Il élargit son propos à différents domaines qui couvrent la nature tout entière, sans dire toutefois autre chose que Pausanias.
Aristophane entame alors l’intervention la plus originale : selon lui, jadis, trois espèces d’humains coexistaient : le mâle, la femelle et une troisième, composée des deux autres, qu’il nomme l’espèce androgyne. Elle était « de forme ronde, avec un dos et des flancs arrondis, quatre mains, autant de jambes, deux visages tout à fait pareils sur un cou rond, et sur ces deux visages opposés une seule tête, quatre oreilles, deux organes de la génération et tout le reste à l’avenant. » Ces androgynes se sentaient si forts qu’ils s’attaquèrent aux dieux, fournissant à ceux-ci le prétexte de les affaiblir, ce qu’ils réalisèrent en coupant les androgynes en deux.
Les corps ainsi divisés se sont mis à rechercher leur moitié : c’est de là que date l’amour inné des humains les uns pour les autres.
Agathon critique alors ses amis et fait le plus bel éloge de l’amour, parant celui-ci de toutes les qualités.
Socrate prend enfin la parole, en félicitant ses amis, et s’inquiète de savoir si toutes les qualités attribuées à l’Amour sont justes ou non. Alors commence la méthode dialectique par un dialogue de Socrate avec Agathon, qui démontre la vanité des propos de leurs compagnons. Socrate poursuit ensuite en citant Diotime, une femme experte dans les questions amoureuses, qui l’a renseigné sur la nature de l’amour. L’amour est ainsi ramené à une réalité plus prosaïque. Et Socrate fait valoir que son but profond pour les humains est l’immortalité qu’il leur assure par la procréation. C’est celle-ci qui entraine l’attirance sexuelle. Et Socrate tend à démontrer que l’amour doit encore s’élever à la recherche de la beauté absolue que ne peut procurer que la vérité fournie par la démarche philosophique.
Lorsque Socrate eut terminé son discours, Alcibiade, citoyen connu pour ses frasques et ses outrances, fit son apparition et se lança dans un éloge dithyrambique de Socrate, visant à démontrer toute la malice de celui-ci.
Il convient de louer l’habileté de Platon à enchaîner tous ces discours avec brio, tout en constatant que même à travers son texte, ses préférences pour les amours homosexuelles sont battues en brèche par son maître Socrate qui demeura jusqu’à la fin de ses jours le compagnon de son épouse Xanthippe, pourtant connue pour son caractère difficile.