Le lendemain, pour entamer notre visite de Petra, nous avons eu du beau temps. La présence d’un guide local était nécessaire : on nous affecta donc le premier qui était disponible. Il parlait anglais, portait jeans, blouson de cuir et casquette, et se faisait appeler George. Un jeune Italien prénommé Daniele se joignit à notre petit groupe.
Les Nabatéens devaient avoir le sens du théâtre. Le passage obligé pour découvrir le cœur de Petra est le Siq, longue gorge découpée entre deux falaises en grès. Avant d’atteindre son entrée, le visiteur longe plusieurs tombeaux en pierre, de forme cubique. De l’autre côté, deux façades monumentales sont superposées sur une paroi de la roche, dont l’une, ornée d’obélisques, rappelle l’Egypte. La pénétration dans le Siq renforce l’intensité dramatique, par la magnificence de la pierre aux multiples variations de couleurs, le rétrécissement progressif du passage qui serpente sur 1,2 kilomètres, la découverte de sculptures en passant, des rigoles creusées par les Nabatéens dans la pierre pour transporter l’eau, et l’arrivée face à El Khazneh, la célèbre construction immortalisée par Hergé dans Coke en Stock, la merveille du lieu qui se profile entre les deux falaises rapprochées. Elle est précédée d’une petite place, que son admirable façade d’inspiration hellénistique domine. Là enfin les spectateurs quittent l’inquiétant passage, haut de près de 100 mètres, pour goûter le finale de leur marche vers cet étonnant monument, parmi le fourmillement des visiteurs autour de quelques dromadaires qui se reposent là en attendant des randonneurs. Quelques échoppes offrent des souvenirs et des boissons, et complètent le tableau.
La place s’élargit vers la droite pour permettre, en premier lieu, la découverte d’un vaste théâtre antique creusé dans la pierre, puis s’ouvre sur une petite plaine que l’on traverse en apercevant une multitude de tombeaux aux façades sculptées dans les falaises alentour, des temples en ruine et les vestiges d’une ancienne église byzantine. Au fond de la plaine, derrière quelques constructions récentes, de nouvelles falaises se dressent, entaillées par une faille où un sentier en escalier a été aménagé. C’est au pied de celui-ci que George nous quitta. Nous avons entamé une longue ascension dans ce chemin taillé dans le roc et agrémenté, au fil des lacets, de multiples étalages de souvenirs. Des mulets sont proposés aux randonneurs qui ne souhaitent pas se fatiguer, ce qui transforme cette montée en un long cortège hétéroclite serpentant à vitesse variable. A l’arrivée au point culminant de cet itinéraire, il reste à parcourir une courte descente qui mène à une place d’où l’on découvre le Deir – ou monastère – sur la droite. Cette construction est sœur d’El Khazneh par son style et sa structure de façade directement découpée dans la roche, avec une dominante dans sa largeur. Elle s’adosse à une petite montagne de forme pyramidale, dans laquelle sa chambre intérieure est creusée.
Lorsque le choc de la vision première est retombé, nous avons profité des sièges installés face au Deir pour tirer les provisions de nos sacs et, au bout d’un moment, nous avons constaté que l’une de nos compagnes n’était toujours pas arrivée. Notre accompagnatrice repartit alors à sa rencontre, en nous recommandant de prendre le même chemin pour le retour. Daniele nous adressa ses adieux, et à trois nous fîmes la courte ascension du haut lieu, d’où nous avons découvert une vue panoramique exceptionnelle, sur le Deir, en nous retournant, sur les montagnes au loin, la vallée de la Araba et, au-delà, sur le désert du Néguev en Israël.
Au retour, nous avons reconstitué notre petit groupe de cinq au bas du sentier du Deir et nous avons repris le chemin d’El Khazneh, non sans nous arrêter dans l’enceinte de l’église byzantine, de découverte récente, pourvue d’un auvent métallique pour protéger les belles mosaïques de son pavement.
Le soir, le retour par le Siq changea notre vision de ce défilé, à l’ombre de ses falaises, quand chacun s’affairait vers la sortie.