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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 16:24

Après avoir consciencieusement étudié la philosophie de Descartes, Spinoza entreprit d’écrire un Traité de la réforme de l’entendement, destiné à répondre et à corriger certains principes de Descartes. Ecrit très tôt, ce traité est resté inachevé. Jugeant «toutes les occurrences les plus fréquentes de la vie ordinaire vaines et futiles », Spinoza chercha à déterminer une méthode d’acquisition des connaissances incontestable, en vue d’acquérir un bien fondamental et d’instituer une vie nouvelle.

Pour ce faire, il se fixa quelques règles : s’exprimer dans un langage clair, compréhensible par tous ; s’écarter des jouissances inutiles et de la richesse. Puis il exposa les différents moyens de connaissance à sa disposition. Ceux-ci se limitent à quatre :

la  - perception acquise par ouï-dire ;

la  - perception acquise par expérience vague ;

la  - perception déduite d’une autre chose, mais non adéquatement ;

en - enfin, la « perception dans laquelle une chose est perçue par sa seule essence ou par la connaissance de sa cause prochaine. »

Spinoza en conclut logiquement que seul le quatrième mode de connaissance permet d’acquérir une connaissance adéquate. Les deux premiers sont clairement insatisfaisants, alors que le troisième « nous donne l’idée d’une chose et aussi nous permet de conclure sans danger d’erreur », sans toutefois atteindre la perfection.

Spinoza cherche ensuite par quel moyen nous pouvons parvenir au quatrième mode de connaissance. Après avoir éliminé les méthodes inadéquates, trop lourdes et besogneuses, il expose avec une rigueur exemplaire la méthode à adopter pour parvenir à « l’idée vraie, chose distincte de ce dont elle est l’idée : autre est le cercle, autre l’idée du cercle. » Il s’agît de la méthode réflexive, qui revient inlassablement sur la pensée pour la critiquer et la redresser.

Il est clair, à lire les développements de Spinoza, que l’élaboration de cette méthode constituait un enjeu majeur pour lui. Nous ne pouvons d’ailleurs manquer d’être impressionné par la rigueur de ses déductions. Le point central consiste à dégager l’Idée vraie des autres perceptions, et d’empêcher les confusions. Il propose à cet égard de suivre ses recommandations, toutes très subtiles.

Il évoque, in fine, le rôle de la mémoire et de l’oubli dans la construction et la conservation de la connaissance. Ce traité, pour le lecteur peu versé dans la lecture philosophique, peut paraître quelque peu ardu. Néanmoins, un effort d’attention le rend compréhensible à chacun, Spinoza respectant la règle qu’il s’est fixée d’être accessible « au vulgaire ».

 

Il est clair que cette méthode de connaissance, bien qu’incomplète, Spinoza ayant sans doute buté sur quelques difficultés et ayant entrepris d’autres travaux, en particulier la rédaction du Traité théologico-politique, apparaît comme une critique de la méthode de Descartes. Tel qu’il est, après le Court traité, ce traité inachevé reste une bonne ouverture à l’œuvre de Spinoza. 

 

Autres articles consacrés à Spinoza :

 

Le Traité politique – Spinoza

Correspondance entre Guillaume de Blyenbergh et Spinoza

Traité théologico-politique – Baruch Spinoza

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15 novembre 2013 5 15 /11 /novembre /2013 18:35

Le narrateur se présente avec complaisance. Il écrit un récit centré sur sa personne et admet bientôt appartenir à la catégorie des bavards. Après cet aveu, il se lance dans l’exposition d’un incident assez sordide, dont il fut l’un des principaux protagonistes, dans un bar de marins où il aurait disputé les faveurs d’une jeune femme à l’homme avec qui elle dansait précédemment.

Tout imbu de son succès, il décrit les charmes de sa nouvelle conquête, en marquant l’opposition avec le caractère grossier de son adversaire qui, manifestement, ne pouvait plaire à cette femme si charmante. La soirée se prolonge dans le soliloque de l’individu. Tout ce récit est profondément déplaisant et rien ne permet de savoir où le bavard veut en venir.

Les aveux de rebuffade finale de la belle et de rixe à l’extérieur du bar avec l’autre homme paraissent aussi incertains que le début supposé de l’idylle, tout en devant marquer le terme de l’histoire. Mais à ce moment, l’homme poursuit son discours en se livrant à une confession de son obsession à tenir la parole, quelles que soient les inventions qu’il puisse proférer.

Le lecteur comprend que l’individu est prêt à raconter n’importe quoi, pour se contredire aussitôt et nier la réalité des faits qu’il vient d’énoncer. L’important pour lui est de continuer à discourir en longues phrases qui n’appellent aucun commentaire et ne sont destinées qu’à assouvir son besoin.

Tout ce discours, remarquablement mené d’un bout à l’autre, remplit le lecteur d’un malaise à se sentir un voyeur. La parole, d’ailleurs parfaitement maîtrisée, du bavard l’agresse comme s’il était réellement auditeur du discours de cet homme, qui susciterait mépris et dérision si l’on assistait aux scènes qu’il décrit.

 

Ainsi le langage apparaît-il dans cet ouvrage comme le véhicule d’une forme de psychose complètement destructrice.

 

 

 

 

A lire également : Louis-René des Forêts

 

 

 

 

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 19:56

Le séducteur de Kierkegaard est un individu méthodique. Il ne laisse rien au hasard et se prépare toujours à toutes les situations en vue d’un but prédéterminé.

Ayant réussi à faire connaissance avec la jeune Cordélia, il entreprend de la séduire en analysant constamment le contexte et les actes. Très attaché au développement de la féminité de sa cible, il utilise les moyens les plus détournés pour parvenir à ses fins.

Prétendant aider un concurrent moins avisé à nouer une relation avec Cordélia, il organise toute sa stratégie de façon à la conduire à l’échec, inexorablement, tout en affichant sa complaisance au service de son obligé. Comme un militaire en campagne, il cherche à tromper sa victime et ses adversaires, et il y parvient remarquablement.

Néanmoins, au fil de son entreprise de séduction, nous sommes amenés à nous demander quel est le but de son activité, car au fond de lui-même, il semble plutôt détaché du projet qu’il a énoncé. A aucun moment il ne semble vouloir nouer une relation équilibrée avec Cordélia. Son habileté lui permet de la séduire temporairement, mais il semble aussitôt se détourner de celle qui a concentré toute son attention durant la phase de conquête. Après avoir longtemps insisté sur le développement de l’érotisme des situations, il détend formellement les liens, se montre froid à l’égard de Cordélia devenue sa fiancée, tout en expliquant dans son journal toutes les étapes à franchir avant d’atteindre son but.

Nous sommes donc conduits à nous interroger si le philosophe danois, précurseur de l’existentialisme, n’a pas pour but d’exposer un cas pathologique de séducteur frappé par son impuissance sexuelle. Penseur avisé, organisateur retors, celui-ci paraît accablé lorsque le but ultime de la relation amoureuse se présente.

 

Il effectue alors des manœuvres tout aussi tortueuses pour briser les liens difficilement noués, de façon à pouvoir relancer la séduction sur un autre front, sans guère se préoccuper de la souffrance qu’il inflige ainsi à sa victime. Le séducteur réalise donc, aux dépens d'autrui, sa subjectivité propre, selon les préceptes de la philosophie de son auteur.

Dans cette optique, tout cet ouvrage peut alors être considéré comme une vivante illustration des principes philosophiques du penseur Kierkegaard.


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26 octobre 2013 6 26 /10 /octobre /2013 20:56

Béatrix apparaît comme une pierre rare dans l’œuvre de Balzac. Ce roman dont l’action débute à Guérande, ancienne ville forte médiévale, toujours enserrée dans sa puissante enceinte surplombant les marais salants dans les directions du Croisic et de Batz sur Mer, qui apparaît comme un foyer de tradition sauvegardé dans la France bouleversée des lendemains de la Révolution et de l’Empire, affiche la déroute de l’intelligence et de l’amour, dans cette société hostile à la nouveauté.

C’est là que se décide le destin de Calyste du Guénic, jeune héritier d’une vieille famille bretonne, ébloui par la brillante Félicité des Touches, écrivain sous le nom de Camille Maupin, maîtresse femme qui va nouer tous les fils de l’intrigue, et par Béatrix de Rochefide, blonde élancée, femme fatale qui cède à ses envies et sera largement manipulée par nombre de ses admirateurs.

Promise à Calyste par Félicité des Touches s’il suit ses recommandations, Béatrix trompe l’espoir du jeune homme en suivant son précédent amant qui la délaissait. De dépit, après l’entrée de Félicité dans un couvent, Calyste se marie à une jeune fille de bonne famille, dont il a rapidement un enfant.

Transplanté à Paris, où il n’a guère d’activité prenante, il renoue avec la belle Béatrix, pourtant vieillie, revenue de ses illusions, au désespoir de sa jeune épouse Sabine.

Toute cette histoire remarquablement écrite, se termine à la manière d’un roman d’espionnage, à travers les manipulations d’agents douteux, chargés de recomposer des alliances, sans égards pour les liaisons dangereuses des différents protagonistes.

 

Balzac dans ce récit se fait plus que jamais le critique des troubles révolutionnaires et le chantre de la tradition et de l’Ancien Régime. Mais tout son roman traduit une telle dextérité du romancier qu’il dégage un goût profond des étrangetés de la société.

 

 


Autres articles consacrés à Balzac :

 

Proust et Balzac

Séraphîta - Honoré de Balzac

Louis Lambert - Honoré de Balzac

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16 octobre 2013 3 16 /10 /octobre /2013 17:46

Maupassant était sujet aux troubles psychiques : la mésentente des parents, la pathologie du frère ont favorisé la psychose chez lui. Cet état d’âme ressort dans ses contes dominés par l’angoisse. Dans Le Horla il montre rigoureusement l’évolution de son narrateur, inhibé par des craintes de toutes sortes, des sautes d’humeur, des fantasmes absurdes, terrorisé par des hallucinations.

Le narrateur tient un journal dans lequel il note ses fantasmes, ses malaises, ses insomnies. Il décrit ses réactions et se réfugie dans l’angoisse. Il met une certaine complaisance à décrire le personnage qui vient le terroriser et qui n’apparaît que comme le résultat de ses fabulations.

D’une certaine façon, le conte parvient ainsi à se hausser au niveau du fantastique, mais il s’agit d’un fantastique du rêve : l’histoire fantastique n’existe que dans le psychisme du narrateur. Elle ne produit pas un récit de fiction destiné à un public de lecteurs, mais un récit interne formulé dans le rêve et repris au réveil.

Il paraît y avoir une complaisance dans cette description du comportement paradoxal de son personnage. Celui-ci déclare souffrir, mais d’une souffrance qu’il semble épargner, dont il ne voudrait surtout pas être privé car alors il se sentirait trop nu. Sa souffrance fait partie de son moi interne et, pour l’entretenir, il se doit de nommer un acteur externe et imaginaire qu’il nomme le Horla. Celui-ci ne peut être personnifié par un être tangible, comme ce serait le cas dans un récit fantastique classique, car alors tout le schéma narratif basculerait dans un autre registre.

Le narrateur est donc contraint de revenir à lui-même dans une sorte de pirouette qui indique au lecteur que le Horla est une fiction.

 

Ainsi ressort toute l’ambiguïté du conte d’angoisse de Maupassant.


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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 21:25

Molloy est un être fruste, un individu solitaire à l’air un peu hébété, quoiqu’il s’exprime de façon précise dans un langage clair. Son activité principale consiste à raconter par écrit sa vie quotidienne. Un homme vient lui chercher les feuillets de sa narration et, en contrepartie, lui remet un peu d’argent. Parti rendre visite à sa mère dans la ville voisine sur sa vieille bicyclette, encombrée par ses béquilles, il provoque l’écrasement d’un chien. La maîtresse ne lui en tient pas rigueur car elle emmenait précisément son chien pour le faire piquer. Elle se contente de lui demander de l’aide pour enterrer le chien. Elle en profite pour le retenir quelques jours chez elle, ce qui incite Molloy à se souvenir de Ruth, qui lui fit connaître l’amour.

Le lecteur se rend compte à l’occasion que Molloy est parfois incohérent. Parti pour retrouver sa mère, avant même d’avoir véritablement commencé à la rechercher,  par analogie avec le sort du chien il énonce : «Regardez maman. De quoi a-t-elle crevé, à la fin ? Je me le demande ; ça ne m’étonnerait pas qu’on l’ait enterrée vivante."

Ayant réussi après quelques jours à échapper à la sollicitude de Lousse, la maîtresse du chien, il s’en va, sans sa bicyclette, et se retrouve dans une forêt où nous le voyons jouir de pouvoir ramper dans les herbes sans trop se préoccuper de son avenir.

Molloy a son pendant en la personne de Moran, un personnage chargé de « s’occuper de son affaire ». Celui-ci, à l’inverse de Molloy, est tyrannique vis-à-vis de son fils et de sa servante. Il en partage néanmoins le goût de se raconter : la nature de sa mission reste très mystérieuse. Son déroulement en revanche l’amène à se rapprocher de la situation de Molloy, dont il n’a jamais trouvé la moindre trace, et qu’il a oublié dans ses mésaventures.  

 

Ainsi les deux monologues de Molloy et de Moran se renvoient l’un à l’autre. Molloy, entièrement tourné vers lui-même, ressasse les éléments de sa vie terne et misérable, alors que Moran, plus porté à l’action, cherche à dominer son entourage en pénétrant dans l’intimité de ses proches, ainsi que des individus sur lesquels il est chargé d’enquêter, pour mieux exercer sa tyrannie et sans vraiment connaître les objets de ses « missions », comme Molloy. Il prétend déjà avoir en sa possession des éléments sur Molloy, et même sur sa mère, alors qu'il ignorait manifestement tout de leur existence avant la visite de l'agent Gaber. Le délire manipulateur s'oppose donc à l'introspection passive dans un jeu de miroirs déformants.

Beckett présente ainsi dans ce premier roman écrit en français une vision de l’humanité marquée par la disgrâce, la solitude et l’échec. Mais contrairement à certains de ses contemporains, comme Claude Simon, il confère à ses personnages la force du langage par lequel ils expriment le néant et l’absurdité de leur existence.


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22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 20:20

La littérature russe est réputée pour la grande longueur de ses romans, qui mêlent, dans des intrigues aux thèmes emboîtés les uns dans les autres, une profusion de personnages, généralement très typés. Pouchkine, pourtant considéré comme le précurseur de la littérature russe moderne, fait exception à ces caractéristiques. Ses œuvres en prose se distinguent par leur concision.  La Dame de pique en est un bon exemple.

Cette nouvelle met aux prises un nombre restreint de personnages et sa construction, destinée à maintenir le lecteur en haleine, est fertile en rebondissements, comme le laisse entendre son titre, clairement lié au jeu.

Entamée comme une histoire galante, elle verse même dans le fantastique avant de se conclure sur une note dramatique et ambiguë, conforme à la plupart des œuvres inspirées par l’appât du gain des adeptes des cartes ou de la roulette.

 

Pouchkine impose ce tempo imprévu avec une parfaite maîtrise. Au fur et à mesure de l’avancée de son intrigue, l’ironie se fait plus mordante vis-à-vis des principaux personnages, à l’exception de Lisavéta Ivanovna, sa pure et naïve héroïne. Les faiblesses de caractère de celle-ci sont bien montrées dès le début du récit mais, jusqu’au bout, sa naïveté la sauve, même si les événements ébranlent sa candeur.    

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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 21:25

Après avoir quitté Our, Abraham gagna Hébron, en Canaan. Puis il rencontra Melchisédech à Salem, l’actuelle Jérusalem.

Quatre siècles plus tard, Moïse conduisit les Israélites d’Egypte au pays de Canaan. Ainsi se scella le destin du peuple d’Israël autour de Jérusalem. Par la suite, David prit Jérusalem, vers l’an 1000 avant J.C. et en fit la capitale de son royaume.

Simon Sebag Montefiore raconte toute l’histoire liée à la ville et fait apparaître que son statut de ville sainte du peuple d’Israël, puis des chrétiens et, enfin, des musulmans, entraîna une suite de conflits récurrents, qui n’ont jamais pu être réglés de façon définitive.

L’opposition des trois religions, le fanatisme de leurs fidèles, le délire de grandeur des rois et des empereurs ne pouvaient permettre une entente entre les peuples qui, pourtant, adoraient en principe un même Dieu.

L’auteur nous fait donc assister à une longue suite de massacres, de destructions des sanctuaires les plus sacrés de chaque religion et de reconstructions toujours recommencées.

De la ville de David ou du temple de Salomon il ne reste à peu près rien et les archéologues semblent incapables de démêler les mélanges des vestiges retrouvés.

Ce livre très détaillé relate donc une histoire infiniment tragique, qui trouve ses racines dans ce qui est censé constituer les aspirations les plus élevées des humains.

Les tensions existaient au sein de chaque camp. Dès le règne de David, ses enfants, nés de différentes épouses, s’entretuèrent et complotèrent même contre leur père.

La situation d’Israël, au carrefour de l’Asie et de l’Afrique, attirait les envahisseurs qui, de nombreuses fois, en firent le siège, comme Nabuchodonosor ou Titus, et la détruisirent. Elle se releva toujours de ses cendres, mais au prix de nouvelles souffrances, en attendant la terreur à venir.

L’auteur décrit le passage de Jésus à Jérusalem pendant trois jours, avant d’être arrêté et crucifié. Il relève que les Evangiles, écrits plus de quarante ans après l’exécution de Jésus, postérieurement à la destruction du Temple par l’armée de Titus, sont peu fiables. Il estime que le procès de Jésus raconté dans les Evangiles sonne faux : selon lui, « toute l’affaire fut orchestrée par les Romains. »

Au passif des Romains, il classe également l’intervention d’Hadrien, à l’égard duquel il est loin d’éprouver les indulgences de Marguerite Yourcenar. Hadrien aurait voulu faire disparaître la vieille ville de Jérusalem, avec ses sanctuaires et ses ruelles, pour la remplacer par une cité romaine classique. « Il cherchait à éradiquer délibérément la judaïté de Jérusalem. »

L’auteur insiste sur l’antagonisme stérile des israélites et des chrétiens. A l’inverse, il constate qu’au début tout au moins, les plus tolérants furent les musulmans. Seulement, les vagues successives de conquérants : croisés, Grecs byzantins, mamelouks, … tentaient en permanence d’imposer leur autorité par des massacres et des destructions.

Dans ce sinistre cortège, Saladin se distingue par son intelligence et sa modération, comme, plus tard, Soliman.

Cette sombre histoire nous amène naturellement à la situation actuelle où deux peuples tentent toujours de cohabiter, l’un ayant durablement spolié l’autre, qui se vengea par de sanglants attentats, avant d’envisager de fragiles négociations de paix.

 

Ce gros livre, très documenté, laisse au lecteur une sombre impression de bruit et de fureur, que rien ne peut arrêter.

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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 20:37

Un enfant de douze ans, maltraité par ses condisciples, voit pour la première fois un homme de haute taille, coiffé d’un chapeau melon, discutant avec le directeur de son école, dans un quartier de Londres. Le directeur apprend à l’élève, Victor Baxter, que l’homme a demandé à l’emmener en promenade, après avoir obtenu l’accord de son père.

C’est une occasion pour le jeune Victor, appartenant à la tribu des Amalécites – nomades du Néguev exterminés par les Israélites sous Saül et David – d’échapper au sort de ses semblables pour l’après-midi. Victor avait perdu sa mère très jeune et son père, aux dires de la défunte, était un diable qui l’avait laissé en pension chez une tante. L’inconnu, qui se faisait appeler le Capitaine, déclara à l’enfant qu’il l’avait gagné au cours d’une partie de backgammon disputée avec son père.

Malheureux chez sa tante, l’enfant ne fit pas de difficultés pour suivre l’inconnu à son domicile où résidait Liza, la compagne du Capitaine. C’était un logement assez misérable, en sous-sol, mais Liza était une jeune femme attentive. Le Capitaine décida de changer le prénom de Victor en Jim et, sans plus de façon, il le laissa à la garde de Liza.

Absent la plupart du temps, le Capitaine effectuait des visites de temps en temps et remettait à Liza de quoi vivre avec Jim pendant ses déplacements. Jim cessa complètement d’aller à l’école et son éducation fut assurée par Liza et le Capitaine, lors de ses passages. Les sources de revenus du Capitaine étaient aussi mystérieuses que son activité, mais l’enfant s’habitua à cette vie ponctuée par les apparitions du Capitaine. Il grandit et comprit que le Capitaine aimait Liza et qu’il avait emmené Jim pour permettre à celle-ci d’assouvir son instinct maternel. Au fil des années, les visites du Capitaine s’espacèrent. Liza tomba malade et Jim, devenu adulte, rejoignit le Capitaine à Panama.

Dans cet Etat dominé par la concession du canal aux Etats-Unis, Jim découvrit un monde d’intrigues, de corruption et d’insécurité, dans la chaleur moite des tropiques, où les banques américaines concentrent la richesse. Mis en relation par son père putatif avec un correspondant mystérieux, suivi par un garde du corps, il discerna à la fin la nature des activités du Capitaine. Maladroit dans ses interventions, il ne put éviter la chute finale.

Le charme de ce livre réside pour l’essentiel dans l’intrusion de l’espionnage et des agents secrets dans un roman social à la Dickens, sans trop de soucis pour concilier ces deux univers complètement disparates.

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13 août 2013 2 13 /08 /août /2013 20:37

La Philosophie dans le boudoir porte un sous-titre : « ou les Instituteurs immoraux, Dialogues destinés à l’éducation des jeunes Demoiselles. » Son auteur a donc souhaité affirmer que son ouvrage visait deux buts distincts : exprimer sa philosophie propre, d’une part, et constituer un manuel d’éducation à l’usage des jeunes filles, d’autre part.

Les dialogues, qui représentent la plus grande partie de l’ouvrage, sont l’expression imagée de l’éducation fournie par les deux meneurs de cette rencontre : Madame de Saint-Ange et Dolmancé, à Eugénie, la jeune fille de quinze ans de Madame de Mistival. Les deux instituteurs se proposent de donner une éducation sexuelle théorique et pratique à cette jeune fille de bonne famille, avide de découvrir les joies procurées par l’amour. Il s’agit en réalité d’une éducation sexuelle totalement décomplexée, et qui va à l’encontre de tous les tabous et de toutes les convenances de la bonne société de l’Ancien Régime. Dolmancé, véritable porte-parole de Sade, expose ses vues sur la jouissance sans entrave et théorise ses principes hostiles à tous les interdits et à toute forme de morale.

L’aspect pratique requiert la présence de plusieurs comparses masculins qui doivent permettre de constituer divers tableaux d’accouplements multiples, dans lesquels Dolmancé privilégie la sodomie. La jeune fille, totalement inexpérimentée, semble étonnamment ouverte à cette jouissance sans entrave, où le plaisir côtoie régulièrement la douleur. Elle ne demande qu’à être dépucelée et à découvrir les formes les plus diverses du plaisir sexuel.

Dans ses explications théoriques, Dolmancé aborde les principes de la philosophie de Sade, selon lequel toute la religion et la morale chrétiennes sont à proscrire et tout ce qui va à l’encontre des désirs des individus doit être éliminé, fût-il nécessaire d’aller jusqu’au crime pour cela. Selon lui, il n’est pas d’autre fondement à la philosophie véritable que les lois de la nature, qui peuvent être résumées au mot de Dostoïevski : « si Dieu n’existe pas, tout est permis. »

A l’intérieur du cinquième dialogue, Dolmancé, qui a déjà largement exprimé ses vues sur l’existence, énonce le libelle : Français, encore un effort si vous voulez être républicains. Celui-ci, authentique exposé de philosophie politique, est une synthèse des idées de Sade sur sa conception de la vie en société. Outre la religion chrétienne, il s’oppose implicitement aux thèses rousseauistes de l’homme bon par nature et corrompu par la société, ou de l’Être suprême, telles que Robespierre avait tenté de les mettre en œuvre dans sa politique ou dans l’organisation d’un culte républicain. Sade, par la voix de Dolmancé, le traite d’ailleurs d’infâme Robespierre pour avoir envisagé de bâtir la République sur des principes moraux.   

Il y a évidemment des passages qui peuvent choquer, notamment à la fin de l’ouvrage, les lecteurs de notre temps. Il faut cependant reconnaître une grande modernité à la pensée de Sade, qui a largement précédé une évolution que notre société continue de mener à bien aujourd’hui, en acceptant progressivement la validité de toutes les formes de sexualité, sans exclusive et sans condamnation morale.

 

Tout cet étonnant traité de philosophie et d’éducation sexuelle est écrit dans la superbe langue classique du XVIIIème siècle, qui permet de faire couler harmonieusement les descriptions les plus crues et les idées les plus antagonistes aux « bons sentiments ».

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