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5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 19:57

Le voyage en Inde effectué en commun par Alberto Moravia, accompagné d’Elsa Morante, et Pier Paolo Pasolini en 1961 a donné naissance à deux récits antagonistes et complémentaires des deux amis écrivains. Une certaine idée de l’Inde de Moravia est une réflexion didactique sur la religion et la civilisation indiennes, enrichie par les visions perçues et les entretiens avec des personnalités indiennes dont, en premier lieu, Nehru, le premier ministre des débuts de la démocratie indienne. L’odeur de l’Inde de Pasolini, au contraire, est une réaction passionnée à la découverte brutale du pays. L’arrivée à Bombay est un choc : le contraste entre le luxe de l’hôtel Taj Mahal où résidaient les écrivains, au bord de l’océan, « miné de part en part de corridors et de salons aux plafonds très hauts, … empli de boys vêtus de blanc, et de portiers coiffés du turban de gala »,  et la foule de mendiants qui vivent à côté du palace, vêtus de chiffons, dormant dehors à même le sol, en groupe, provoque une excitation extrême chez Pasolini, alors que Moravia reste impassible. Pasolini poursuit seul sa découverte dans la nuit lorsque deux jeunes hommes issus du groupe s’approchent de lui et se présentent. L’un, nommé Sundar, est musulman, l’autre, Sardar, est hindou. Ils expliquent au visiteur que tout le groupe est réuni à cet endroit pour profiter des restes du dîner de l’hôtel, avant de dormir sur son parvis.

Le texte de Pasolini est empreint d’un lyrisme triste, parfois teinté d’enthousiasme à la vision de sites admirés, comme Fatehpur Sikri, la ville morte construite sur ordre d’Akbar, le troisième Grand Moghol. Il raconte encore sa rencontre avec Revi, le nain croisé à Bénarès. Dans ses explorations il reste le plus souvent en compagnie d’Elsa Morante, de laquelle il se sent beaucoup plus proche par les sentiments que de Moravia. A Bénarès, le caractère paisible des bûchers funéraires et l’absence visible d’émotion parmi les assistants le marquent, alors que Calcutta, malgré la rencontre enrichissante de Mère Teresa et un cocktail cinématographique, le plonge dans la plus noire des misères.

Pasolini décrit aussi la monotonie du paysage indien, avec ses plaines sablonneuses, ses villages aux maisons de torchis ou de bouses de vaches, les vaches errant n’importe où, jusqu’au milieu des grandes villes. Il montre la foule indienne, la lenteur qui l’habite et sa résignation apparente à la pauvreté et à  l’absence d’évolution sensible. Il n’hésite pas à exprimer ses antipathies non plus, en particulier à l’égard de leur chauffeur sikh.

Au total, à l’inverse d’un récit de voyage ordonné, le texte de Pasolini fournit des impressions éparses recueillies au fil des expériences, sans ordre défini et sans suite chronologique. Son attrait réside dans sa puissance d’évocation de l’un des pays les plus fascinants.

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