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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 20:33

En 1983, Ma Jian a trente ans. Divorcé, son ex-épouse a intenté une action pour le priver de son droit de visite à sa fille. Sa maîtresse le trompe et, dans la fédération de syndicats pour laquelle il travaille comme photographe et journaliste dans le département de la propagande, la direction lui reproche son allure trop décontractée, trop artiste et sa désinvolture. Victime de la campagne contre la « pollution spirituelle » que vient de lancer Deng Xiaoping, il lui est demandé de rédiger son autocritique.

En dehors de son travail, Ma Jian peint aussi des tableaux et écrit des poèmes. Il habite une petite maison croulante du passage Nanxiao à Pékin, au fond d’une impasse. Là, il reçoit ses amis, « une bande d’écrivains, de peintres, de poètes, de dissidents et de parasites ». Toute cette agitation attire les regards des voisins et l’intérêt de la police. Ma Jian se sent donc vulnérable et menacé d’arrestation. Dans la précipitation, il va prononcer ses vœux laïques bouddhistes, démissionner de son travail et prendre un billet de train pour Urumqi, la capitale de la région du Xinjiang, au nord du Tibet.

Il part avec un maigre bagage et entame un extraordinaire voyage à travers la Chine. Jamais il n’atteindra Urumqi mais il parcourt la plus grande partie du pays dans tous les sens, d’abord en train, puis en bus, en faisant de l’auto-stop et souvent à pied, dans les régions les plus désertiques. Il découvre alors le pays dans ses profondeurs, son climat, son relief, sa population divisée en une mosaïque de peuples qui vivent le plus souvent dans la précarité et la pauvreté. Il parcourt des déserts où il manque de s’égarer ou d’être victime d’un accident. Il vit de « petits boulots » à chaque étape, profitant parfois des lettres de recommandation que lui fournissent quelques responsables culturels locaux qu’il avait pu connaître dans l’exercice de ses fonctions de journaliste. Il entame quelques aventures amoureuses, généralement sans lendemain et il note ses impressions. Il observe en particulier les dégâts considérables de la politique de Mao sur les populations et surtout le traumatisme laissé par la Révolution culturelle. Dans chaque région visitée, la police et l’administration sont généralement corrompues. Gagné par la lassitude, Ma Jian se met à douter à plusieurs occasions mais il retrouve toujours l’énergie nécessaire à la poursuite de son voyage. A la fin, quand il se retrouve au Tibet, la région évidemment la plus hostile à l’occupation chinoise et aux Han, trois années ont passé et il peine à comprendre le but de cet immense périple : « j’ai voyagé pendant si longtemps, dans des lieux si étranges, que j’ai commencé à devenir étranger à moi-même ».

Dans son récit, Ma Jian rend compte évidemment de son itinéraire, cartes à l’appui et de son mode d’existence en voyage, ses rencontres, ses difficultés, sa fatigue, sa peur parfois, son évolution spirituelle, mais au-delà, il relate ses observations sur les individus qu’il a rencontrés, il détaille les dégâts observés et précise les événements du passé qui ont marqué la vie dans les régions et leurs conséquences sur la vie présente.

En même temps qu’un récit souvent palpitant, son livre constitue donc un document passionnant sur la géographie, les coutumes, les croyances et le mode de vie des Chinois, et un retour sur l’histoire du pays depuis la victoire de Mao.

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commentaires

C
<br /> Bonjour Jean,<br /> <br /> <br /> Tes 2 articles sur Lao She et Ma Jian m'ont fortement interessé. As tu ces bouquins et pourrais tu éventuellemnt me les préter.<br /> <br /> <br /> Amitiés,<br /> <br /> <br /> Claude<br />
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I
<br /> <br /> Bonjour Caude,<br /> <br /> <br /> Merci de ton commentaire. Je pourrai bien sûr te prêter les bouquins.<br /> <br /> <br /> Amitiés,<br /> <br /> <br /> Jean<br /> <br /> <br /> <br />