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20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 13:32

Beaucoup d’ennui à lire A Rebours de Huysmans. J’ai spontanément peu de sympathie pour un décadent comme des Esseintes, l’antihéros du roman, faible, névrosé, maladif, revenu de tout sans avoir jamais rien fait dans sa vie, se complaisant dans le choix d’objets étranges, inusités, trop raffinés. Mais pourquoi ne pas consacrer un roman à ce caractère, en vogue à l'époque ? Cependant, les trop longues descriptions de plantes rares, de parfums subtils ne m’intéressent pas. Seuls de rares thèmes sont susceptibles d’éveiller ma sensibilité, au premier rang desquels se situe l’évocation de Salomé au travers de la description inspirée des deux tableaux de Gustave Moreau consacrés à cette figure biblique, avec une référence implicite à l’Hérodias de Flaubert, soulignée par un rappel de Salammbô. La prédilection affichée pour les littératures à bout de souffle, bas latin d’église, médiocres auteurs au style contourné de la fin du XIXème siècle, d’obédience catholique en priorité, indispose. Bien que le style soit parfaitement maîtrisé et témoigne d’un réel talent, tout est excessif dans l’expression : les termes et les tournures trop recherchés, les longues périodes à la syntaxe tendue, se déroulant en multiples subordonnées aux liens laborieux,  témoignent de cette décadence générale que Huysmans décrit et dans laquelle il baigne si complaisamment.

Les meilleurs passages eux-mêmes, comme le voyage fantasmé à Londres, montrent le refus de la vie chez le héros. Dépourvu de sensualité, pratiquement impuissant, il a connu toutes les débauches, en voyeur essentiellement. Malade de l’estomac, il s’est risqué à toutes les ivresses, sans plaisir. Ses seules actions sont destinées à pervertir la vie de ses proches (détruire le mariage de son ami, pousser un enfant pauvre au crime…). Lui, épuisé, se retranche dans une solitude douillette, entouré d’objets inutiles et sophistiqués, d’éditions de livres limitées, imprimées pour lui seul en caractères anciens sur des papiers rares. Et sa vie n’est qu’une longue agonie, comme d’un malade mental qui se serait volontairement retranché du monde, plein de mépris et de suffisance.

Il semble que Huysmans, de son époque, ne voit que les faiblesses et la pourriture, sans deviner les extraordinaires capacités de renouvellement de cette société française de la fin du XIXème siècle. Lui qui avait été ami de Zola a laissé de côté toute la puissance pour se complaire dans le morbide. Il ne sait pas rendre l’évocation de son personnage attrayante. Ne parlons pas de recherche de l’absolu ou de l’infini, pour un être dont les principales occupations consistent à accumuler des biens matériels, avant de rechercher des idées ou des visions.

Huysmans, dans sa préface écrite en 1903, considère A Rebours comme le premier signe de la grâce qui le toucha quelques années après l’avoir publié. Il est vrai que le roman contient de longs passages consacrés à la religion catholique, particulièrement indigestes d’ailleurs, mais il reste toujours plaisant de constater à quel point un tel miraculé de la grâce est prêt à voir rétrospectivement, dans tout événement ou toute production, un morceau d’hagiographie en devenir. Ce qu’en revanche il n’explique pas, c’est pourquoi son roman est devenu un fastidieux catalogue de bizarreries, avec ses chapitres consacrés aux pierres précieuses, aux œuvres latines, aux fleurs, aux parfums, aux épices, à la musique religieuse, etc., sans transition et sans utilité dans le cadre charpenté d’un roman.  

Il y a des exemples de romans à un seul personnage, qui passent en revue différents types de pensées, de disciplines ou de registres, où ceux-ci s’intègrent dans une trame cohérente, leur donnant l’air de se succéder logiquement. Là, rien de tel ; un chapitre commence par : « Il avait toujours raffolé des fleurs… », et une longue description de fleurs suit. Chaque thème est introduit sans plus de manières. Au fond, il y avait matière à deux livres : une nouvelle pour décrire l’évolution d’un décadent, et un traité d’objets rares et raffinés en usage chez ses semblables dans les années 1880. La nouvelle eût suffi à mon plaisir de lecteur.

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